A LA CHA MBRE
Les Socialistes et le Budget
UN DISCOURS DE JAURES
Après s'être réunie ce matin, sous la pré
sidence de M. Berteaux, pour s’occuper de
la Révision douanière, la Chambre, cet après-
midi a continué la discussion du
BUDGET DE 1910
-Notre ami Jaurès a la parole.
Le citoyen Jaurès. — Le budget que la
Chambre discute en ce moment est le dernier
de cette législature; le moment est donc fa
vorable pour l’examiner à fond et voir dans
quelle' voie il faut rechercher les remèdes
aux abus que l’on a signalés.
Ce qui ruine les budgets européens, ce qui
les accable, ce sont surtout les dépenses mi
litaires; de -làvtent le déficit de 500 millions
du budget allemand et celui d.u budget an
glais qui s’élève à peu près au même, chiffre.
M. Théodore -Reinach exprimait, l’antre
jour, le vœu que le désarmement pût se faire;
le problème essentiel qui se pose, c’est de sa
voir si nous somms en face d’un mal irré
ductible.
Nous devons analyser les causes du malaise
et demander à la France de contribuer à
diminuer le mal.
La cause profonde de la situation actuelle,
o’est le conflit anglo-allemand; les incidents
du Maroc, le conflit britannique ne sont que
des . épisodes de ce vaste, conflit.
Ce conflit peut-il être pacifiquement résolu
et la France peut-elle contribuer à ce résul
tat ? Je suis convaincu qu’elle le peut, et que
ce rôle est tout à fait conforme aux tradi
tions do la France (Très bien ! très bien ! à
Textrême-gauobe.)
Le conflit armé entre l'Angleterre et l’Alle
magne n'est pas inévitable, heureusement ;
la moindre guerre jetterait la puissance éco
nomique et les finances de l’Allemagne dans
un trouble profond, il en serait ae même
pour l’Angleterre.
Les colonies s’agitent aussi bien en Afrique
qu’en Egypte et dans l’Inde; si la guerre
était futilement déchaînée, les difficultés co
loniales de l’Angleterre seraient insurmon
tables.
Pendant que l’Angleterre et l’Allemagne se
jalousent, se contrarient, les Etats-Unis se
préparent pour la lutte économique mon
diale; leur influence économique s’accroît, et
avec elle leurs ambitions; ils l’ont bien mon
tré, en intervenant en Cbine.
En ce moment, ils préparent le trust de la-
viande dans la République Argentine; ce
trust inquiète l’Angleterre; les Etats-Unis ne
pourraient que devenir plus puissants en
core, après une lutte armée entre l’Angle
terre et l’Allemagne. (Très bien ! très bien !
à l’extrême-gauche.)
Les résultats de la politique de la paix
armée suivie jusqu’ici en Europe paraissent
maintenant; on en arrive à ceci : qu’on -est
obligé ou de demander aux classe dirigean
tes-les sacrifices imposés par l'état de guer
re, dont -elles bénéficient, mais dont elles ne
veulent pas porter lè poids, ou de demander
ces sacrifices au peuple, déjà exploité, qui
réclame -et se révolte.
C’est ce qui so passe, actuellement en Alle
magne; les dépenses, -en se gonflant, ont sub
mergé les imprudents mêmes qui les avaient
votées; et voici le peuple d’Allemagne et la
petite bourgeoisie qui se révoltant, et le flot
rouge recom-manoe monter,' cette fois pour
une revendie-ati-on de justice. (Applaudisse
ments à l’extrême-gauche.)
Pour ma part, j’ai foi -dans la possibilité
d’une détente entre l’Angleterre et l’Allema
gne et d’un rapprochement'entre la .France,
l’Angleterre et V’Allemagne.
C'est à cette œuvre, qui serait le salut du
monde et aussi du budget que mes amis et
moi travaillons, sans souci des outrages -et
-des calomnies. (Applaudissements à l’extrê-
me-gauob-e.)
A côté de l’immense majorité de -la nation
allemande qui veut la paix, il y a eu des
groupes minuscules, qui ont eu l’impudence
de déclarer que si le conflit éclatait entre
l’Angleterre et l’Allemagne se serait la
France qui serait prise en ôtoge.
Ce -sont là de détestables chimères; le jour
où la France voulant la paix, le déclarant au
monde, on dirait : « Tu seras esclave tribu
taire d'ün autre pays », ce jour-là jaillirait
une résistance incomparable dans l’histoire.
'(Applaudissements.)
Si î’-on veut qu’entre l’Angleterre et l’Alle
magne le conflit n’éclate pas, la France peut'
y aider, en déclarant qu’elle n’entrera dans
aucune intrigue et qu’elle veut rester libre
te ses mouvements. (Très bien ! très bien ! „
î’extrême-gauche.)
H. Th. Reinach. — Cela no nous a pas
réussi à Sadowa.
La citoyen Jaurès. — Pardon; ce qui a
perdu la France è. Sadowa, n'est'pas d’avoir
pratiqué la politique de clarté, de franchise
et de simplicité que je préconise, c’est, au
contraire, d’avoir eu une politique de dua
lité et d’ambiguité. (Applaudissements à l’ex-
trême-gauche.)
La politique que je souhaite pour la Fran
ce implique la foi dans les réparations de
justice, qui sortiront invinciblement du dé
veloppement de la démocratie et -de la certi
tude de la paix.
En une période de 40 années, TAlsace-Lor-
raine a su affirmer dans la paix une admira
ble vitalité française; il se peut que, pen
dant 10 ans, elle ait attendu l’heure de la
guerre, mais, quand elle a vu que les an
nées passaient, elle a montré le vrai courage,
n’attendant plus le retour de la justice de la
fortune des armes: elle ne s’est plus aban
donnée; elle s’est dit que -son salut était de
garder l’originalité de sa pensée, de perpé
tuer la parcelle d’àme française qu’elle avait
gardée en dépôt. (Très bien ! très bien ! à
l’extrême-gauche.)
Le service de deux ans t.el qu’on l’a insti
tué est à bout de souffle; il a eu, entre au
tre conséquence, celle de couper l’armée en
deux : une armée de caserne et une armée
de réserve, et les six ou sept dernières clas
ses de ces réserves sont à p«u. créa immobi
lisées.
La France risque d etre écrasée, si elle ne
peut mettre -en -première ligne, s’il le faut
tous ses hommes de 30 -à 35 ans.
M. Bsrteaux. — Ç’est une erreur d’optique;
tout le monde est en première ligne, seule-
mnt il y a des formations en profondeur
comme il y en a en première ligne.
Le citoyen Jaurès. — C'est un point sur le
quel il faudra avoir un jour des explications
nécessaires; pouvez-vous compter sur l’ar
mée toute entière ou sur une partie seule
ment ? .
Bï. Cochery, îurieux. — Nous pouvons
compter sur l'armée tout entière et sur son
dévouement.
Le citoyen Jaurès. — Ce qui nous importe
surtout, c’est aue toute la force française,
de 19 à 35 ans, constitue une force homogène
qui puisse se distribuer sur le front ou en
profondeur, et qu’on puisse compter à la fois
sur les dernières classes de la réserve et sur
les classes de farinée en caserne.
Notre ami examine aiors en detail le ser
vice militaire en Suisse et en Belgique, et
r.T(Spnni a e oour la France une institution
Σe, puis il arive au budget. .
Le citoyen Jaurès. — Il e-st question d un
déficit de 200 millions, et on apporte pour
le combler des impôts d’expédients. .
Le ministre des finances a eu le désir de
la sincérité; il a vu certaines difficultés en
gros, mais il ne les a pas vu toutes : il ne
suffira nas de doter un maigre budget des
retraites ouvrières, il faudra dorer I assuran
ce sociale contre le chômage, permettre aux
municipalités de construire pour Iss. ouvriers
des logements sains, à boa marche, donner.
de l’air et de la lumière à nos écoles, doter
l’Etat de sommes suffisantes pour qu’il puis
se tenir les capitalistes qui comptent lui
arracher les concessions de mines et de for
ces hydrauliques. (Très bien ! très bien t à
l’extrème-gauebe.) ,
L’impôt sur les successions est juste; je
ne veux pas dévaster le capital, mais je so
cialiserai. (Applaudissements à l'extrême-
gauebe-)
On demande 100 El’liions aux successions,
dont 50 seulement seront réservées, en 1911,
pour les retraites ouvrières.
M. Cochery. — Il a été entendu que‘le
gouvernement demanderait un centime et
demi de plus sur les successions ce qui fe
rait avec- les 50 millions, 105 millions peur
tes retraités.
La résistance du Sénat sera d’autant plus
faible ç[ue les 100 millions seront totalement
réservés aux retraites.
Oh ! je sais bien. Monsieur te Ministre,
vous comptez sur M. Ribot, (Rires).
Hier, en sortant de la séance, j’ai cru me
heurter à une manifestatioon de la Confédéra
tion du travail; j’étais en présence de la -petite
bourgeoisie des comptoirs. (Mouvements.)
Oh! ce n’est pas cette protestation qui m’a
amené à combattre les impôts. (Nouveaux rires)
Il -n’y -a qu’un moyen sûr de vaincre ces ré
sistances : c’est de recourir au monopcole de
l’ateool. (Applaudissements d l’extrême gau
che,)
Il faut en finir avec le régime bâtard aeiuæl.
(Applaudissements sur tes mêmes bancs.)
Il faut dire hautement au peuple de se gar
der de ce poison subtil qu’est l'alcool.
M. Lasies. — Pardon; te mauvais alcool.
(Très bien! Très bien!)
Le citoyen Jaurès. — Il faut que -cette croi
sade soit menée par le Parlement tout entier;
mais ce n’est pas -en augmentant les droits qu’on
remédiera au mal; on ne peut-que l’aggraver;
de même, il vaudrait mieux limiter 1e nombre
des débits que de taxer l'ouverture des nou
veaux débits. » (Très bien! Très bien! à l’ex
trême gauche.)
Notre ami critique alors les délimitations pour
tes vins et la vignette de garantie, qu’il trouve
cependant préférable à'la marque individuelle.
En ca qui concerne le rétablissement du
droit de circulation, las viticulteurs ont été bien
naïfs en l’acceptant.
M. Chastenet. — Ils ne l’ont pas accepté
du tout. (Très bien! Très bien!)
Le citoyen Jaurès. — Si je repousse tes
impôts nouveaux, c’est parce qu’ils auraient
pour conséquences de faire reculer l’impôt sur
le revenu. (Applaudissements à. l’extrême gau
che.)
Sans me désintéresser de l’équilibra du bud
get, j’ai te droit d’exiger que tes recettes nou
velles soient conformes au principe de la dé
mocratie.
Bons quelqu-es mois -on- ne peut pas se pré»-
ssnter devant les électeurs en leur -disant :
« Nous avons vote des impôts dont nous ne
v-ous avions pas parlé, mais nous ne vous p-
portons pas l'impôt sur le revenu dont nous
vous partons depuis dix ans. » (Applaudisse
ments à l’extrême gauche.)
Il y a un para qui est en -majorité.; le moyen
te plus décisif d’obliger 1e Sénat à voter l'impôt
sur 1e revenu, c’est de ne pa-s accepter les im
pôts d’expédients qu’o-n nous impose. (Applau
dissements à l’extrême gauche.)
De faute, côté de.la.AIanché,. fl y a un -grand
parti qui ose prendre la responsabilité des ré
formes démocratiques devant 1e pays.
La démms-atie anglaise dans ca grand mou
vement a fait preuve d’une grande énergie dans
cette bataille menée au nom des principes et
où tant d'intérêts sont en cause, (Applaudisse
ments à l’extrême gauche.)
Que voit-on nn France? De loin en loin, les
ministres entrent en rapport avec 1e suffrage
universel dans des cérémonies pompeuses-. (Ri
res.)
• Le présidant du conseil prononce un -discours
dont il -s’excuse ensuit© devant Dieu -et -devant
les hommes.
Je ne crois pas que M. Je président du con
fia ®ii retouché le dessin du portrait; -mais,
après une visite do ses amis, il - distribué d’u
ne autre façon la lumière et l’-ombre. (Rires.)
M. Briand- — Lorsque j'ai parlé devant 1-e
pays, j'ai mesuré la portée de mes paroles • je
savais ce que je -voulais faire entendre. {Mou
vements.)
Quand ensuite, des amis sont venus m'entre
tenir, d-e ce discours, je n’ai rie n retranché, mais
j avais le droit de rectifier quand on donnait un
autre sans à mes paroles. (Exclamations iro
niques.}
M. Jaurès a te droit de me demander des ex
plications à. la tribune; je suis à sa disposition
pour les lui fournir. (Applaudissements à gau
che.)
La citoyen Jaurès. — Il faut que .te gou
vernement renonce à sa politique d’indécision,
qu'il substitue à tous- les petits -moyens qu’ü
propose un large programme. Vous vous êtes
mis dans une situation difficile vis-à-vis des
partis en renonçant à la réforme électorale :
vous ne pouvez racheter cette faute qu’en éta
blissant avec 1e concours de la Chambre un pro
gramme vaste et hardi de réformes -sociales,
pour établir sur une plus J-ar-ge base une poli
tique -nettement réformatrice. (Vifs applaudis
sements à l’extrême gauche.)
Après une.suspension de séance, M. Doumer,
rapporteur général, commence son discours;
il affirme.que le service de deux ans a donné
fis bons résultats, que la France est -prête, mais
qu’un gros effort est encore -necessaire.
M. Doumer étant fatigué, la suite de son- dis
cours est renvoyée à demain matin.
La séance est -levés à 6 h. 30.
Paris. 18 novembre.
Séance uuvreïe a 3 heures. M. A. Duhost pré
side.
LES RETRAITES OUVRIERES
M. Rev, sénateur du Lot, a la parole. ‘
31. Rey. — 11 n'a pas encore été question des
millions des travailleurs libres que compte notre
pays et qui sont aussi dignes d’intérêt que les
salariés.
Il y aurait un -très grand danger économique et
social à sacrifier tous ces travailleurs libres ;
tous ceux qui peinent doivent être traités sur le
même pied, autrement il y aurait vers le salariat
une poussée encore plus forte qu’aujourd’hui,
d’où abaissement de salaires et aggravation de la
crise de la famille.
J’ai déposé un amendement qui a pour objet
d ebvier à ces inconvénients en assurant une re
traite à tous les Français justifiant à 65 ans de
trente années au moins de travail et ne jouissant
pas d’un revenu supérieur à 360 fr.
Ce système est ceïui qui est appliqué en An
gleterre depuis -l'année dernière ; il a toutes mes
préférences, mais, ne croyant pas qu’il ait chan
ce d’être adopté, j’y renonce, me réservant de col
laborer avec mes collègues pour améliorer le pro
jet de la eommissiou et pour assurer à tous les
vieux travailleurs salariés ou non un peu plus
de sécurité, un peu plus de bien-être. (Applau
dissements sur divers bancs.)
M. le présidant. — M. Touron qui, d’après l’or
dre des inscriptions, devrait maintenant prendre
la parole, demande 4 ne parler que demain.
.La suite de la discussion est renvoyée à de
main trois heures.
La séance est levée -à 3 h, 50,
Les Socialistes et le Budget
UN DISCOURS DE JAURES
Après s'être réunie ce matin, sous la pré
sidence de M. Berteaux, pour s’occuper de
la Révision douanière, la Chambre, cet après-
midi a continué la discussion du
BUDGET DE 1910
-Notre ami Jaurès a la parole.
Le citoyen Jaurès. — Le budget que la
Chambre discute en ce moment est le dernier
de cette législature; le moment est donc fa
vorable pour l’examiner à fond et voir dans
quelle' voie il faut rechercher les remèdes
aux abus que l’on a signalés.
Ce qui ruine les budgets européens, ce qui
les accable, ce sont surtout les dépenses mi
litaires; de -làvtent le déficit de 500 millions
du budget allemand et celui d.u budget an
glais qui s’élève à peu près au même, chiffre.
M. Théodore -Reinach exprimait, l’antre
jour, le vœu que le désarmement pût se faire;
le problème essentiel qui se pose, c’est de sa
voir si nous somms en face d’un mal irré
ductible.
Nous devons analyser les causes du malaise
et demander à la France de contribuer à
diminuer le mal.
La cause profonde de la situation actuelle,
o’est le conflit anglo-allemand; les incidents
du Maroc, le conflit britannique ne sont que
des . épisodes de ce vaste, conflit.
Ce conflit peut-il être pacifiquement résolu
et la France peut-elle contribuer à ce résul
tat ? Je suis convaincu qu’elle le peut, et que
ce rôle est tout à fait conforme aux tradi
tions do la France (Très bien ! très bien ! à
Textrême-gauobe.)
Le conflit armé entre l'Angleterre et l’Alle
magne n'est pas inévitable, heureusement ;
la moindre guerre jetterait la puissance éco
nomique et les finances de l’Allemagne dans
un trouble profond, il en serait ae même
pour l’Angleterre.
Les colonies s’agitent aussi bien en Afrique
qu’en Egypte et dans l’Inde; si la guerre
était futilement déchaînée, les difficultés co
loniales de l’Angleterre seraient insurmon
tables.
Pendant que l’Angleterre et l’Allemagne se
jalousent, se contrarient, les Etats-Unis se
préparent pour la lutte économique mon
diale; leur influence économique s’accroît, et
avec elle leurs ambitions; ils l’ont bien mon
tré, en intervenant en Cbine.
En ce moment, ils préparent le trust de la-
viande dans la République Argentine; ce
trust inquiète l’Angleterre; les Etats-Unis ne
pourraient que devenir plus puissants en
core, après une lutte armée entre l’Angle
terre et l’Allemagne. (Très bien ! très bien !
à l’extrême-gauche.)
Les résultats de la politique de la paix
armée suivie jusqu’ici en Europe paraissent
maintenant; on en arrive à ceci : qu’on -est
obligé ou de demander aux classe dirigean
tes-les sacrifices imposés par l'état de guer
re, dont -elles bénéficient, mais dont elles ne
veulent pas porter lè poids, ou de demander
ces sacrifices au peuple, déjà exploité, qui
réclame -et se révolte.
C’est ce qui so passe, actuellement en Alle
magne; les dépenses, -en se gonflant, ont sub
mergé les imprudents mêmes qui les avaient
votées; et voici le peuple d’Allemagne et la
petite bourgeoisie qui se révoltant, et le flot
rouge recom-manoe monter,' cette fois pour
une revendie-ati-on de justice. (Applaudisse
ments à l’extrême-gauche.)
Pour ma part, j’ai foi -dans la possibilité
d’une détente entre l’Angleterre et l’Allema
gne et d’un rapprochement'entre la .France,
l’Angleterre et V’Allemagne.
C'est à cette œuvre, qui serait le salut du
monde et aussi du budget que mes amis et
moi travaillons, sans souci des outrages -et
-des calomnies. (Applaudissements à l’extrê-
me-gauob-e.)
A côté de l’immense majorité de -la nation
allemande qui veut la paix, il y a eu des
groupes minuscules, qui ont eu l’impudence
de déclarer que si le conflit éclatait entre
l’Angleterre et l’Allemagne se serait la
France qui serait prise en ôtoge.
Ce -sont là de détestables chimères; le jour
où la France voulant la paix, le déclarant au
monde, on dirait : « Tu seras esclave tribu
taire d'ün autre pays », ce jour-là jaillirait
une résistance incomparable dans l’histoire.
'(Applaudissements.)
Si î’-on veut qu’entre l’Angleterre et l’Alle
magne le conflit n’éclate pas, la France peut'
y aider, en déclarant qu’elle n’entrera dans
aucune intrigue et qu’elle veut rester libre
te ses mouvements. (Très bien ! très bien ! „
î’extrême-gauche.)
H. Th. Reinach. — Cela no nous a pas
réussi à Sadowa.
La citoyen Jaurès. — Pardon; ce qui a
perdu la France è. Sadowa, n'est'pas d’avoir
pratiqué la politique de clarté, de franchise
et de simplicité que je préconise, c’est, au
contraire, d’avoir eu une politique de dua
lité et d’ambiguité. (Applaudissements à l’ex-
trême-gauche.)
La politique que je souhaite pour la Fran
ce implique la foi dans les réparations de
justice, qui sortiront invinciblement du dé
veloppement de la démocratie et -de la certi
tude de la paix.
En une période de 40 années, TAlsace-Lor-
raine a su affirmer dans la paix une admira
ble vitalité française; il se peut que, pen
dant 10 ans, elle ait attendu l’heure de la
guerre, mais, quand elle a vu que les an
nées passaient, elle a montré le vrai courage,
n’attendant plus le retour de la justice de la
fortune des armes: elle ne s’est plus aban
donnée; elle s’est dit que -son salut était de
garder l’originalité de sa pensée, de perpé
tuer la parcelle d’àme française qu’elle avait
gardée en dépôt. (Très bien ! très bien ! à
l’extrême-gauche.)
Le service de deux ans t.el qu’on l’a insti
tué est à bout de souffle; il a eu, entre au
tre conséquence, celle de couper l’armée en
deux : une armée de caserne et une armée
de réserve, et les six ou sept dernières clas
ses de ces réserves sont à p«u. créa immobi
lisées.
La France risque d etre écrasée, si elle ne
peut mettre -en -première ligne, s’il le faut
tous ses hommes de 30 -à 35 ans.
M. Bsrteaux. — Ç’est une erreur d’optique;
tout le monde est en première ligne, seule-
mnt il y a des formations en profondeur
comme il y en a en première ligne.
Le citoyen Jaurès. — C'est un point sur le
quel il faudra avoir un jour des explications
nécessaires; pouvez-vous compter sur l’ar
mée toute entière ou sur une partie seule
ment ? .
Bï. Cochery, îurieux. — Nous pouvons
compter sur l'armée tout entière et sur son
dévouement.
Le citoyen Jaurès. — Ce qui nous importe
surtout, c’est aue toute la force française,
de 19 à 35 ans, constitue une force homogène
qui puisse se distribuer sur le front ou en
profondeur, et qu’on puisse compter à la fois
sur les dernières classes de la réserve et sur
les classes de farinée en caserne.
Notre ami examine aiors en detail le ser
vice militaire en Suisse et en Belgique, et
r.T(Spnni a e oour la France une institution
Σe, puis il arive au budget. .
Le citoyen Jaurès. — Il e-st question d un
déficit de 200 millions, et on apporte pour
le combler des impôts d’expédients. .
Le ministre des finances a eu le désir de
la sincérité; il a vu certaines difficultés en
gros, mais il ne les a pas vu toutes : il ne
suffira nas de doter un maigre budget des
retraites ouvrières, il faudra dorer I assuran
ce sociale contre le chômage, permettre aux
municipalités de construire pour Iss. ouvriers
des logements sains, à boa marche, donner.
de l’air et de la lumière à nos écoles, doter
l’Etat de sommes suffisantes pour qu’il puis
se tenir les capitalistes qui comptent lui
arracher les concessions de mines et de for
ces hydrauliques. (Très bien ! très bien t à
l’extrème-gauebe.) ,
L’impôt sur les successions est juste; je
ne veux pas dévaster le capital, mais je so
cialiserai. (Applaudissements à l'extrême-
gauebe-)
On demande 100 El’liions aux successions,
dont 50 seulement seront réservées, en 1911,
pour les retraites ouvrières.
M. Cochery. — Il a été entendu que‘le
gouvernement demanderait un centime et
demi de plus sur les successions ce qui fe
rait avec- les 50 millions, 105 millions peur
tes retraités.
La résistance du Sénat sera d’autant plus
faible ç[ue les 100 millions seront totalement
réservés aux retraites.
Oh ! je sais bien. Monsieur te Ministre,
vous comptez sur M. Ribot, (Rires).
Hier, en sortant de la séance, j’ai cru me
heurter à une manifestatioon de la Confédéra
tion du travail; j’étais en présence de la -petite
bourgeoisie des comptoirs. (Mouvements.)
Oh! ce n’est pas cette protestation qui m’a
amené à combattre les impôts. (Nouveaux rires)
Il -n’y -a qu’un moyen sûr de vaincre ces ré
sistances : c’est de recourir au monopcole de
l’ateool. (Applaudissements d l’extrême gau
che,)
Il faut en finir avec le régime bâtard aeiuæl.
(Applaudissements sur tes mêmes bancs.)
Il faut dire hautement au peuple de se gar
der de ce poison subtil qu’est l'alcool.
M. Lasies. — Pardon; te mauvais alcool.
(Très bien! Très bien!)
Le citoyen Jaurès. — Il faut que -cette croi
sade soit menée par le Parlement tout entier;
mais ce n’est pas -en augmentant les droits qu’on
remédiera au mal; on ne peut-que l’aggraver;
de même, il vaudrait mieux limiter 1e nombre
des débits que de taxer l'ouverture des nou
veaux débits. » (Très bien! Très bien! à l’ex
trême gauche.)
Notre ami critique alors les délimitations pour
tes vins et la vignette de garantie, qu’il trouve
cependant préférable à'la marque individuelle.
En ca qui concerne le rétablissement du
droit de circulation, las viticulteurs ont été bien
naïfs en l’acceptant.
M. Chastenet. — Ils ne l’ont pas accepté
du tout. (Très bien! Très bien!)
Le citoyen Jaurès. — Si je repousse tes
impôts nouveaux, c’est parce qu’ils auraient
pour conséquences de faire reculer l’impôt sur
le revenu. (Applaudissements à. l’extrême gau
che.)
Sans me désintéresser de l’équilibra du bud
get, j’ai te droit d’exiger que tes recettes nou
velles soient conformes au principe de la dé
mocratie.
Bons quelqu-es mois -on- ne peut pas se pré»-
ssnter devant les électeurs en leur -disant :
« Nous avons vote des impôts dont nous ne
v-ous avions pas parlé, mais nous ne vous p-
portons pas l'impôt sur le revenu dont nous
vous partons depuis dix ans. » (Applaudisse
ments à l’extrême gauche.)
Il y a un para qui est en -majorité.; le moyen
te plus décisif d’obliger 1e Sénat à voter l'impôt
sur 1e revenu, c’est de ne pa-s accepter les im
pôts d’expédients qu’o-n nous impose. (Applau
dissements à l’extrême gauche.)
De faute, côté de.la.AIanché,. fl y a un -grand
parti qui ose prendre la responsabilité des ré
formes démocratiques devant 1e pays.
La démms-atie anglaise dans ca grand mou
vement a fait preuve d’une grande énergie dans
cette bataille menée au nom des principes et
où tant d'intérêts sont en cause, (Applaudisse
ments à l’extrême gauche.)
Que voit-on nn France? De loin en loin, les
ministres entrent en rapport avec 1e suffrage
universel dans des cérémonies pompeuses-. (Ri
res.)
• Le présidant du conseil prononce un -discours
dont il -s’excuse ensuit© devant Dieu -et -devant
les hommes.
Je ne crois pas que M. Je président du con
fia ®ii retouché le dessin du portrait; -mais,
après une visite do ses amis, il - distribué d’u
ne autre façon la lumière et l’-ombre. (Rires.)
M. Briand- — Lorsque j'ai parlé devant 1-e
pays, j'ai mesuré la portée de mes paroles • je
savais ce que je -voulais faire entendre. {Mou
vements.)
Quand ensuite, des amis sont venus m'entre
tenir, d-e ce discours, je n’ai rie n retranché, mais
j avais le droit de rectifier quand on donnait un
autre sans à mes paroles. (Exclamations iro
niques.}
M. Jaurès a te droit de me demander des ex
plications à. la tribune; je suis à sa disposition
pour les lui fournir. (Applaudissements à gau
che.)
La citoyen Jaurès. — Il faut que .te gou
vernement renonce à sa politique d’indécision,
qu'il substitue à tous- les petits -moyens qu’ü
propose un large programme. Vous vous êtes
mis dans une situation difficile vis-à-vis des
partis en renonçant à la réforme électorale :
vous ne pouvez racheter cette faute qu’en éta
blissant avec 1e concours de la Chambre un pro
gramme vaste et hardi de réformes -sociales,
pour établir sur une plus J-ar-ge base une poli
tique -nettement réformatrice. (Vifs applaudis
sements à l’extrême gauche.)
Après une.suspension de séance, M. Doumer,
rapporteur général, commence son discours;
il affirme.que le service de deux ans a donné
fis bons résultats, que la France est -prête, mais
qu’un gros effort est encore -necessaire.
M. Doumer étant fatigué, la suite de son- dis
cours est renvoyée à demain matin.
La séance est -levés à 6 h. 30.
Paris. 18 novembre.
Séance uuvreïe a 3 heures. M. A. Duhost pré
side.
LES RETRAITES OUVRIERES
M. Rev, sénateur du Lot, a la parole. ‘
31. Rey. — 11 n'a pas encore été question des
millions des travailleurs libres que compte notre
pays et qui sont aussi dignes d’intérêt que les
salariés.
Il y aurait un -très grand danger économique et
social à sacrifier tous ces travailleurs libres ;
tous ceux qui peinent doivent être traités sur le
même pied, autrement il y aurait vers le salariat
une poussée encore plus forte qu’aujourd’hui,
d’où abaissement de salaires et aggravation de la
crise de la famille.
J’ai déposé un amendement qui a pour objet
d ebvier à ces inconvénients en assurant une re
traite à tous les Français justifiant à 65 ans de
trente années au moins de travail et ne jouissant
pas d’un revenu supérieur à 360 fr.
Ce système est ceïui qui est appliqué en An
gleterre depuis -l'année dernière ; il a toutes mes
préférences, mais, ne croyant pas qu’il ait chan
ce d’être adopté, j’y renonce, me réservant de col
laborer avec mes collègues pour améliorer le pro
jet de la eommissiou et pour assurer à tous les
vieux travailleurs salariés ou non un peu plus
de sécurité, un peu plus de bien-être. (Applau
dissements sur divers bancs.)
M. le présidant. — M. Touron qui, d’après l’or
dre des inscriptions, devrait maintenant prendre
la parole, demande 4 ne parler que demain.
.La suite de la discussion est renvoyée à de
main trois heures.
La séance est levée -à 3 h, 50,
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