Les Pyrénées s'affichent
Des pentes enneigées, les bienfaits des eaux thermales, des montagnards « authentiques », des marmottes et des isards… voilà autant d’étiquettes qui ont façonnées l’image des Pyrénées. L’étude des affiches anciennes de Rosalis permet de dresser un large panorama sur l’histoire du développement touristique dans les Pyrénées, qu’il soit pastoral, thermal, balnéaire ou culturel. Dès le 19e siècle, les stations pyrénéennes, desservies par les trains de la Compagnie du Midi, deviennent en effet des destinations à la mode.
Images des Pyrénées
Les affiches existent depuis le 16e siècle : au départ elles permettaient de communiquer des informations puis progressivement elles sont devenues des outils de réclame publicitaire. L’affiche touristique impose un nouveau produit, le voyage, grâce au développement du train. Les affiches de voyage se font concurrence sur les murs des villes et des gares, elles deviennent alors de plus en plus visibles, colorées et efficaces.
L’engouement des plus riches pour « le voyage aux Pyrénées » est fort dès le 19e siècle.
C’est dans les Pyrénées centrales, entre Pau et Luchon, que les stations thermales et les villages de montagne sont les plus fréquentés et deviennent des lieux mythiques.
Le Pic de Midi de Bigorre est connu depuis l’Antiquité grecque. Ainsi, les Pyrénées seraient le tombeau de Pyrène, morte d’avoir aimé trop intensément Héraklès. De leurs amours est né Python, le serpent mythique dont la tête se trouve à Gavarnie et la queue au Pic du Midi. Au-delà de ces légendes le site est un lieu d’observations astronomiques depuis des siècles. A proximité, Bagnères-de-Bigorre devient un centre de villégiature apprécié des touristes.
Victor Hugo a fait passer le cirque de Gavarnie à la postérité en le qualifiant de « colosseum de la nature ». Auparavant, le site était déjà l’objet d’étude de nombreuses recherches botaniques et géologiques. Très tôt, les guides de montagne mènent les touristes sur ses sommets. Mais ce sont les écrivains, les artistes et les photographes qui figent l’image de Gavarnie comme un incontournable site des Pyrénées.
Luchon « reine des Pyrénées » était un centre important de la vie mondaine. Avec son établissement thermal, son casino et sa fête des fleurs, on ne peut pas s’y ennuyer ! Le lieu est fréquenté également au 20e siècle par des célébrités comme Clémenceau, Colette ou Mistinguett.
A travers les affiches de voyage, une image stéréotypée des Pyrénéens apparaît progressivement : ces braves et « authentiques » montagnards constituent un peuple de bergers, de contrebandiers et de chasseurs d’isards. Cette image figée, renforcée par le folklore et la codification simpliste, conduisent à une représentation de l’« être pyrénéen » un peu éloignée des réalités. En regard du Pyrénéen, se dresse également l’archétype du touriste, nouveau consommateur de la montagne.
L'éveil du tourisme dans les Pyrénées
L’essor des trains de la Compagnie du Midi, via le Paris-Orléans, permet aux stations pyrénéennes de profiter du développement du tourisme grâce à l’arrivée du rail dans les principales villes thermales de la chaîne. Les affiches vantent alors l’arrivée de la modernité.
Si le train a desservi très tôt les vallées pyrénéennes, il demeurait difficile de proposer des excursions sur les routes d’altitude. C’est pourquoi la Compagnie du Midi eut l’idée, dès 1914, d’assurer un service régulier d’autocars entre Eaux-Bonnes, Barèges, Luchon et Amélie-les-Bains. Les voitures décapotables passaient par le spectaculaire col du Tourmalet en assurant la liaison entre l’Océan et la Méditerranée.
Ces services incluaient parfois le prix des chambres dans leurs forfaits et étaient réservés aux voyageurs aisés en villégiature. L’arrivée de l’autocar et du téléphérique a donc permis à des stations d’altitude de développer des complexes touristiques et de développer l’hôtellerie dans toutes les Pyrénées.
L’électricité arrive même jusque dans les grottes pyrénéennes ! Celles-ci sont aménagées pour être visitées afin de créer de spectaculaires émotions aux courageux qui oserons braver les profondeurs de la terre...
Les stations thermales et stations de villégiature de premier plan, comme Vernet-les-Bains, Luchon, ou encore Font-Romeu sont richement dotées d’équipements modernes de premier ordre : hôtels, casinos, parcs…
L’arrivée de cette modernité dans les vallées pyrénéennes permet également le développement de nouvelles activités pour les touristes : bal et fête, casino, théâtre, course hippique, spectacle de pantomime, corrida, course automobile, etc. Tout est bon pour le divertissement de ces riches touristes et les stations des Pyrénées deviennent progressivement des lieux de mondanités. Les trains qui y mènent sont d’ailleurs parfois appelés « trains de plaisir. »
La fête des fleurs à Luchon reste aujourd’hui encore très populaire.
Sur cette affiche aux pieds du grand hôtel de Font-Romeu, on peut voir des hockeyeurs sur glace, rappelant que l’arrivée du tourisme dans les Pyrénées s’est aussi accompagnée de l’essor des sports d’hiver.
Les Pyrénées pour tous : spécialisation des formes de tourisme
Si au 19e siècle les touristes étaient encore de riches bourgeois et aristocrates, le voyage aux Pyrénées s’est peu à peu démocratisé. Avec l’arrivée des congés payés en 1936 et le grand boum du tourisme au 20e siècle, la montagne est devenue plus accessible. Pour que chacun y trouve son compte en fonction de ses envies, le tourisme aux Pyrénées s’est aussi spécialisé.
Les Pyrénées sont connues pour leurs eaux naturellement chaudes et leur thermalisme. Vernet-les-Bains, Eaux-Bonnes, Luchon, Bagnères-de-Bigorre ou encore Cauterêts sont autant de stations où le tourisme thermal s’est épanoui. Ces stations étaient fréquentées par de grands hommes de lettres ou des artistes comme Victor Hugo, Charles Baudelaire, Claude Debussy ou encore Colette.
En été, le tourisme pastoral est important : on se promène, seul ou avec un guide de montagne, dans les montagnes. Il n’est pas rare alors de croiser un troupeau de vaches ou des brebis.
L’été est également l’occasion de profiter du Golfe de Gascogne ou des Pyrénées orientales, entre mer et montagne. De nombreuses affiches montrent ces deux types de paysages en regard pour vanter un tourisme balnéaire propre aux Pyrénées.
Enfin, le tourisme culturel et urbain n’est pas en reste. Les affiches anciennes n’hésitent pas à mettre en avant les éléments architecturaux des villes pyrénéennes : le château de Pau ou encore le sanctuaire Notre-Dame de Lourdes.
Pour aller plus loin...
- Jean-Loup Fricker et Philippe Terrancle, Les Pyrénées s’affichent, éd. Milan, 2004
- Jean-Yves Guillain, Villégiature, loisirs sportifs et chemins de fer : L’image du sport dans les affiches ferroviaires (1919-1939), p. 153-166 [en ligne], 35, 2006, mis en ligne le 17 juin 2011, consulté le 04/06/2022
- Pireneas, La villégiature s’affiche