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Les étudiant-e-s de l’UT2J ont rencontré les collections patrimoniales de littérature jeunesse de la Bibliothèque d'étude du patrimoine
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Les étudiant-e-s de l’UT2J ont rencontré les collections de littérature jeunesse de la Bibliothèque du patrimoine

Depuis janvier 2023, on croise régulièrement les étudiant-e-s de la licence Lettres et Arts du département Lettres modernes, Cinéma et Occitan de l’université Toulouse Jean Jaurès à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine… Ils ont rendez-vous avec les livres du Fonds de Conservation Jeunesse de la bibliothèque.

Des livres pour enfants dans une bibliothèque patrimoniale ? Quelle idée !

Et pourtant… pour qui s’intéresse à l’évolution de cette littérature, il est précieux de pouvoir consulter des ouvrages que l’on ne trouve plus nulle part et qui ont pourtant marqué profondément son histoire. Tenez, prenez cet ouvrage du pédagogue tchèque Comenius, L’Orbis sensualium pictus, qui date de 1658. Sous ses abords un peu austères, il est pourtant le premier ouvrage à défendre une forme d’accès plaisant au savoir pour les jeunes lecteurs, et une approche à la fois sensible et intellectuelle du monde, à travers l’association du texte et de l’image.

Orbis Pictus : Die Welt in Bildern, in zwey und achtzig Abschnitte zum Gebrauche der kleinsten studirenden Jugend in den kaiserl. königl. Staaten zusammengezogen, Comenius,  1788 – Bibliothèque de Toulouse Res. D XVIII 858
Orbis Pictus : Die Welt in Bildern. Staaten zusammengezogen, Comenius, 1788 – Res. D XVIII 858

Se former sur l’album jeunesse à l’université, c’est possible

C’est dans le cadre de leur cours sur l’album pour la jeunesse que les étudiant-e-s de la licence Lettres et Arts se rendent à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine.

Pour comprendre l’émergence de ce médium dans la littérature, il-elle-s s’intéressent à l’ensemble des conditions qui ont favorisé son apparition. Parmi celles-ci, l’évolution des techniques d’intégration de l’image dans le livre imprimé joue un rôle majeur. L’un des cours porte donc sur l’histoire de la littérature de jeunesse et de l’album et ce cours se réalise à la Bibliothèque d'étude et du patrimoine.

Pourquoi cette délocalisation à la BEP ?

Pour permettre aux étudiant-e-s d’avoir un accès direct à des ouvrages majeurs, qui permettent de comprendre cette évolution. Si le cours s’était déroulé à l’université, les étudiant-e-s auraient dû se contenter d’un diaporama avec des photographies des couvertures des ouvrages cités, ou de rééditions contemporaines pour tous les ouvrages antérieurs à 1930, lorsqu’elles existent, ce qui n’est pas toujours le cas.

La possibilité d’observer de près les ouvrages permet d’amener les étudiant-e-s à comparer différentes techniques d’insertion de l’image dans le livre et à saisir concrètement les implications des choix techniques pour le livre. Par exemple, ils peuvent repérer la « cuvette » provoquée par l'enfoncement de la planche de cuivre dans le papier dans cette édition des Fables de La Fontaine de 1668, caractéristique de la gravure sur cuivre :

Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine. [Précédées de ] La Vie d'Esope le Phrygien, 1668 – Bibliothèque de Toulouse Res. C XVII 82
Fables choisies mises en vers par M. de La Fontaine. [Précédées de ] La Vie d'Esope le Phrygien, 1668 – Res. C XVII 82

Ils mesurent par ailleurs l’écart, en termes de précision du trait, qui sépare les deux types de xylographie : la gravure sur bois de fil (XVe) et la gravure sur bois de bout (XIXe), en observant côte à côte les gravures de cet incunable de 1486 et celles de Gustave Doré dans l’édition Hetzel de 1867 des Contes de Perrault

La belle Maguelonne, Lyon : Matthias Husz, 1486 - Inc. Lyon 109
La belle Maguelonne, Husz, 1486 - Inc. Lyon 109
Les contes de Perrault / [Charles Perrault] ; dessins par Gustave Doré, préface de P.-J. Stahl, [gravures Pizan, Pannemaker, Pierdon],... [et al.], Hetzel, 1867 - Res. A XIX 289
Les contes de Perrault, Hetzel, 1867 - Res. A XIX 289

Manipuler les albums et… se jeter à l’eau !

Projet de maquette à la manière de Alphabet de Benjamin Rabier (1926)
Projet de maquette à la manière de Alphabet de Benjamin Rabier (1926)

« Il n’y a pas d’art pour les enfants, il y a de l’Art […] il n’y a pas de littérature pour les enfants. Il y a la Littérature. »

François Ruy Vidal

On ne trouve pas que de « vieux » livres parmi les trésors du Fonds de Conservation Jeunesse… Cela fait aussi partie des objectifs de la formation que de faire découvrir aux étudiant-e-s des étapes plus méconnues du grand public de l’histoire de l’album, comme peuvent l’être, par exemple, les audacieuses propositions de François Ruy Vidal et Harlin Quist, qui ont dans les années 1970 bousculé le monde de l’édition pour la jeunesse, scandalisé certains psychiatres ou au contraire convaincu des artistes de renom, comme Ionesco, Duras, etc., de publier chez un éditeur pour la jeunesse.

Cette formation sur l’album jeunesse vise à montrer aux étudiant-e-s que la matérialité du médium est essentielle pour en comprendre le fonctionnement. Les choix de format, de papier, de mise en page, de reliure font sens dans l’album. Consulter des versions numérisées en ligne ne permet pas d’en saisir le sens complet.

Pour atteindre cet objectif, les étudiant-e-s sont invité-e-s à se glisser, le temps d’un semestre, dans l’univers de l’auteur-illustrateur ou de l’autrice-illustratrice de leur choix. Enfin, pas tout à fait de leur choix… puisqu’il-elle-s choisissent dans la liste des auteurs-illustrateurs et autrices-illustratrices dont les livres sont conservés dans le FCJ. C’est, dans le cadre de cette formation universitaire, gage de la valeur littéraire de la production de ces artistes.

Les étudiant-e-s consultent les albums réalisés par leur auteur-trice puis choisissent celui qui les a le plus marqués et réalisent une vidéo de présentation de cet album. Il-elle-s montrent ainsi leur appropriation du vocabulaire technique de l’album pour parler des choix de mise en page, de composition visuelle, de format, etc.

L’Art de la fugue, éditions La Ville brûle, 2019

2ème étape de cette appropriation de l’univers d’un-e auteur-trice : les étudiant-e-s ont à réaliser une maquette de couverture d’un album imaginaire de cet-te auteur-trice, accompagnée d’un dossier justifiant l’ensemble de leurs choix formels et stylistiques. Pas besoin d’être expert-e en dessin ou en graphisme… l’idée est plutôt, en se mettant à la place de l’artiste, de se poser les mêmes questions, de comprendre ses choix, de se confronter aux mêmes difficultés techniques. Les réalisations montrent un réel investissement des étudiant-e-s dans cette tâche, qui permet aussi de rendre visible toute leur créativité !

Maquette réalisée par un groupe d’étudiantes
Maquette réalisée par un groupe d’étudiantes

Et qui sait, ce cours développera peut-être quelques vocations ?

Euriell Gobbé-Mévellec

Maître de conférences INSPE Toulouse Occitanie Pyrénées / Laboratoire LLA-CREATIS / Université Toulouse 2 Jean Jaurès

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